L'enfant dans la reconstruction du monde

Pour les premiers articles, je vous propose de relire le dernier ouvrage publié par Maria Montessori. L’esprit absorbant de l’enfant regroupe une grande partie des éléments théoriques de sa pensée. Ces développements sont à l’origine d’un tournant décisif dans ma vision du développement de l’enfant et j’aimerais vous les faire partager.

La démarche scientifique de MM est passionnante. Elle est aussi déroutante parce qu’entrer au cœur de ses ouvrages demande un effort soutenu qui parfois nous pousse au découragement. Pourtant, je reste convaincu que l’efficacité de l’intuition de l’éducateur ...
... provient de sa compréhension du fonctionnement de l’enfant. Connaître cet ouvrage de base devient dans ce cas une charnière à ne pas négliger.

Vivre au milieu d’enfants, c’est assister à l’éclosion de l’indépendance. Ce phénomène illustre l’image que se fait MM de l’enfant lorsqu’elle trouve en lui un moyen de reconstruire le monde.

C’est l’objet de ce premier chapitre où elle explique que, par ses capacités extraordinaires, l’enfant peut réaliser des exploits que les hommes les plus avisés – ou entraînés – ne pourront accomplir. Ainsi, elle appelle à orienter l’avenir de l’humanité vers une paix durable en changeant le mode de transmission des savoirs. « C’est le développement du potentiel humain qui doit être le but de l’éducation » nous dit-elle avec la conviction qu’on lui connaît.

Richesse inexploitée

La première moitié du XX^ème siècle a vu surgir une prise de conscience des procédés de développement du psychisme des enfants depuis leur naissance jusqu’au terme de leurs deux premières années. Aujourd’hui, cela nous est familier, et ces questions se posent d’ailleurs pour le bébé avant sa naissance, comme par exemple lors des expériences musicales de la maman. Pourtant, il y a quelques dizaines d’années, ces pensées étaient loin d’être admises. MM explique que délaisser ces premières années c’est laisser cette richesse inexploitée. Le docteur Carrel en 1947 va même plus loin en annonçant que « la méconnaissance de cette période est irréparable ».

Alors, comment définit-elle cette richesse ? C’est la forme de psychologie à part de l’enfant : sa capacité d’absorber la connaissance et donc de s’instruire lui-même. Lorsque votre enfant a prononcé ses premiers mots, est-ce qu’il répétait une leçon qu’il avait intellectualisée ? Non, il s’est servi – inconsciemment – de son environnement pour s’adapter au monde qui l’entourait.

Les années vitales

La force psychique de l’enfant intrigue MM. A tel point qu’elle se demande si la nature n’a pas « prévu » de démultiplier la vitesse du développement du jeune enfant pour profiter d’un temps court où l’adulte serait dans l’impossibilité d’interagir avec lui. Extraordinaire !

Dans cette logique, « l’enfant est déjà un vieil homme à trois ans » nous dit-elle. En fait, les observations faites dans la maison des enfants ont montré que tous les enfants avaient la capacité d’absorber de nombreuses informations. La lecture ou l’écriture bien sûr mais aussi tous les autres domaines de la culture comme les mathématiques ou la zoologie.

Les quarante années d’observation ont ainsi montré que l’éducation est un processus naturel qui se développe spontanément dans l’être humain. Dans ces conditions, le maître n’a un rôle que dans l’ambiance qu’il instaure autour de celui qui grandit.

L’homme nouveau apparaît

Tout l’enjeu est donc de faire surgir l’Homme grâce au libre développement. C’est une tâche particulièrement difficile car le maître prend la place du serviteur auprès de l’enfant. Il lui revient d’éviter que l’enfant ne devienne la victime des événements.

Chacun mesure la difficulté de pratiquer la pédagogie Montessori car paradoxalement, pour permettre la révélation de la plus grande merveille de la nature, le rôle de l’éducateur est immense à la fois dans son action autour de l’enfant mais aussi dans son effacement.

Admettre la dignité de l’enfant et permettre le modelage de la société future est à ce prix.